jeudi 7 avril 2011

‘Vis ma vie de nomade’...

Du 28 mars au 02 avril.De la fumée s’échappe du sommet de la yourte. Il fait très froid dehors, peut-être -10 degrés ( ?), mais ce n’est pas ce qui motive Tsolmon à allumer le poelle. Les bêtes sont nourries, maintenant la trentenaire s’occupe du dîner du soir. Au passage, elle redonne de la chaleur à cet espace clos dans lequel Niko et moi, inactifs, commencions à nous les geler sévèrement.
Elle en profite pour brancher une ampoule à la batterie 12 volts. Il était temps, on n’ y voyait plus à un mètre. Dehors, il fait maintenant nuit noire.
La journée a été longue pour Tsolmon et son mari, Batdorj. Lever avant les aurores.Car cette nuit, il a neigé. Ça n’a empêché de dormir ni Mejet, notre guide, ni Niko ni moi, mais ça a réveillé le couple d’éleveurs.
En famille, avec les parents de Batdorj, son frère et sa femme, ils s’occupent de plus de 700 têtes de bétail. 400 moutons, 200 chèvres, 100 chevaux, et 65 vaches. A quelques dizaines près : les nomades ne perdent pas de temps en comptage précis. Mais tiennent à la vie de leurs bêtes. Depuis le début des années 2000, ils doivent faire face à des hivers très rigoureux, les zuud.
Qui dit neige dit plus de travail. Pour déblayer l’étable d’abord. Pour surveiller les naissances ensuite. Depuis quatre jours, les mères mettent bas ; toutes à la même période. Régulièrement, Tsolmon ou son mari ramènent un, deux ou trois agneaux ou petits moutons fraîchement nés. Au bout de vingt minutes, ils sont capables de se mettre debout et d’avancer maladroitement jusqu’aux gougouttes de leur mère. La neige et le froid, ce n’est pas bon pour eux. Ils sont déjà résistants avec leur pelage mais encore trop petits pour y faire face longtemps. Alors les petits sont emmenés les uns après les autres dans un coin de la yourte. Serrés les uns contre les autres, ils se tiennent chauds, et donnent en plus de la chaleur aux hommes.
La yourte. A gauche, le point d’eau. Un gros bidon de plastique rempli de glace. Un lavabo bricolé en ferraille, tu remplis toi-même le récipient avant de laisser écouler l’eau. Ensuite, une petite armoire. Un savon repose dessus. Et deux brosses à dents. A l’intérieur, u peu de linge et certainement quelques produits d’entretien. Juste après, une banquette, un lit une place qui sert de canapé le jour et de lit la nuit. Il est recouvert de tissu, et de tapis. Ils sont trois comme ça répartis dans la yourte. Entre deux lits, le meuble télé. A ses côtés, l’autel consacré à Bouddha. Dès que Tsolmon ouvre un paquet de bonbons ou prépare du thé au lait mongol, Bouddha est le premier servi. Le soir, elle allume un cierge. Atmosphère spirituelle, ambiance tamisée très relaxante.
Côté droit de l’entrée, le meuble ‘cuisine’ avec pas mal de plats monstrueusement gros ou en plastique. Au centre de la pièce, à côté d’une table basse, le poelle. Il sert à faire sommairement la vaisselle, à faire de la crème de lait, du thé au lait, des plats, ou à préparer le blé distribué au bétail les soirs d’hiver.
Lever avec le jour, fin du travail quand la nuit tombe. Entre-temps, il y a toujours quelque chose à faire. Pour Tsolmon, aller déblayer le toit enneigé de la yourte, évacuer neige et déjections de chèvres hors de l’étable, ramener les chèvres et les moutons qui ont des petits à nourrir à l’étable, donner du blé aux chevaux et au vaches, faire des pâtes, se brosser les dents, regarder la télé.S’occuper des touristes un tout petit peu, aussi. Tsolmon parle trois mots d’anglais. Son sourire est franc, sa patience infinie. Ici, le touriste est roi, mais le roi de la steppe. Les toilettes, c’est un trou, non pas au fond du jardin, mais à cinquante mètres des yourtes, perdu au milieu du no man’s land. Ton cul, il n’y a que les chèvres curieuses qui peuvent le voir. Tu es en pleine steppe, personne à l’horizon. Oublie le bouquin pour arriver à caguer, tu chies efficace, je te rappelle qu’il fait -10. Tu retournes à la yourte, il y fait maintenant très chaud, tu t’empresses de retirer tes sous-gants, tes gants, ton bonnet, ton manteau, ta polaire et tes sous-vêtements spécial grand froid. Tsolmon elle porte une grande veste mongole aux manches très longues. Elle ne sort pas sans son bonnet. Tout ça fait beaucoup moins d’épaisseur à retirer, plus pratique vu les allers retours qu’elle fait entre dedans et dehors. Comme tous les habitants des steppes, sa peau est tannée par le soleil, le vent et le froid. Ses pommettes sont rouges. Son visage est marqué. Elle a 37 ans, elle pourrait en avoir dix de plus. Une jolie femme qui vit pour ainsi dire dehors, et n’a pas le temps de se regarder le nombril.
Cela nous semble difficilement concevable une vie pareille. Une vie sans confort. Pas d’eau courante, un tout petit peu d’électricité, pas de superflu. De quoi manger, de quoi se chauffer, de quoi s’habiller et vaguement se laver. Une télé et le bouddhisme, aussi. Les deux sont perchés sur leur autel. Dieu est discret, la télé est plus souvent allumée. Télé en noir et blanc pour moins consommer. Tsolmon prépare des lamelles de mouton pour mettre dans ses raviolis. Elle se trémousse en même temps devant la Nouvelle star mongole. Elle n’est pas larguée. Elle est au fait de la dernière mode, elle connaît les derniers potins grâce aux rares visiteurs venus de la ville. Quand elle va à Oulan Bator, une fois par an, elle se maquille. Son mari, lui, boit alors un peu d’alcool, lui qui ne boit que très rarement dans sa yourte. Plus d’occasions à fêter. Les retrouvailles avec la famille qui a fui la rudesse de cette vie dédiée à la nature. Mais l’agitation de la ville est vite pesante pour des personnes habituées à bouger continuellement et à parler très peu. Alors c’est avec soulagement qu’ils retrouvent leurs animaux et leur yourte. Leur nid provisoire et éternel au cœur des steppes mongoles.
Luce

1 commentaire:

joanna a dit…

kikou la familia!!!

que de belles rencontres et de splendides paysages!!!

Lulu,tu es magnifique,je vois que le bidou commence a bien pointer...prend soin de toi cousine!!
profitez bien de ttes ce beautes!!
joanna