dimanche 17 avril 2011

Samedi 9 à mardi 12 avril, 4 jours avec Yuan


Chauffeur de pousse-pousse à moteur, une sorte de mobylette avec charette intégrée pour transporter un à deux voyageurs

---

Yuan en grand week-end de quatre jours, nous allons pouvoir bourlinguer toutes les deux dans la capitale.

Au programme, d'abord, le samedi : le marché aux antiquités Panjiayuan. Métro Jintsong. Avant ça, un autre métro pour aller déposer mon appareil photo défectueux dans le 'temple' de la photo.
Il y a des 'temples' spécialisés dans tous les domaines : le même jour, pas loin du marché aux antiquités, on traine par exemple dans un grand centre commercial uniquement dédié aux lunettes. Je n'ai pas pu résister, il a fallu que j'en achète une paire qui donne l'air débile.





L'autofocus de mon appareil photo était tombé subitement en rade, c'était dans le train en arrivant en Mongolie, pendant une semaine, j'avais du prendre des photos en mode manuel, moins pratique pour dégainer. Eh bien pour changer le moteur de mon objectif, c'était ce qui merdait, il m'en a coûté 260 yuans, moins de 25 euros.
Alleluia.

Bienvenue en Chine, tu peux te payer des choses que tu ne te permettrais qu'après moult réflexions en France. Eh oui, tu es dans l'usine du monde, alors autant se servir à la source, tu paies les mêmes produits que tu trouves en France 4 fois moins cher, et encore, parce que tu es touriste.

Tentations infinies, d'autant plus dans le temple de la photo. Mais bon, le voyage coûte déjà un bras, je ne vais pas non plus rentrer manchot.

Avant de traîner dans les allées du marché aux antiquités, nous allons nous restaurer juste à côté. Un restau populaire, très fréquenté, assez crade. Mon attention se porte sur les aquariums au fond de la pièce. A l'intérieur, non pas des poissons rouges, mais des poissons qui vont servir à préparer ton plat du jour. Gris et gros.
"Ils ont pas l'air bien les poissons, là !"? Tu m'étonnes, ils flottent. Deux énormes masses inertes et qui flottent. Il n'y a que moi que ça dégoûte ?
On me sert mon repas. Riz, comme d'hab, boeuf et champignon, accompagnés d'une sauce marron gluante.
Ni bon ni mauvais mais ça doit être les poissons, qui me fixent là bas au fond. J'ai l'estomac retourné. Psychologie du poisson ou parasite alimentaire, juste après, je bascule dans une gastro aussi brève que douloureuse.

L'arme du crime est en arrière plan sur la photo

Bon, en sortant du resto, cartons débordants de marchandises et motos en tout genre garées, nous pénétrons dans le marché.





Parmi tous les stands pour chiner (vases imitation Ming, bijoux, jade, objets déco, tables...), ceux qui m'intéressent le plus, ce sont ceux avec les affiches. De propagande surtout. L'une de mes passions.

Mao et la Révolution culturelle chinoise.


Une affiche publicitaire style Shanghai, c'est chouette aussi

---------

Dimanche 10, banane, riz et Smecta encore de rigueur, c'est pas encore la grosse patate.
Mission du jour : la Green Cow Farm, une ferme 100% sans pesticides. C'est suffisamment rare en Chine pour que ça vaille un reportage. On verra au retour si je peux le vendre à un magazine. En attendant, ça permet de sortir des sentiers touristiques, d'aborder des questions environnement, et de quitter la ville.
La ferme est assez loin dans le nord est, à la périphérie de Pékin. 4 métros plus tard, un bus introuvable et une excursion en remorque au-dos-d'un-homme-qui-a-eu-pitié-de-deux-âmes-perdues plus tard, nous trouvons enfin la ferme. Après-midi dans le vert des feuilles de choux sous serre, dans les grognements des porcs puis dans les mets du café-restau 100% bio, le seul à Pékin, d'après mes informations. Gâteau de carottes et yaourts au lait de la vache qui elle même ne consomme que l'herbe broutée dans un champ garanti sans engrais.






(photos @Lin Yuan)
----

Lundi 11
ça y est l'air de la campagne m'a totalement requinquée, je suis parée pour la Grande Muraille. Ce matin, nous décollons de très bonne heure. Métro jusqu'à la gare routière de Dongzhimen, nous chopons un bus qui nous emmène jusqu'à Miyiu, une heure et demi de route en direction du nord est. Lancement de la saison touristique le vendredi 15 avec bus desservant les sites de la Muraille. Nous sommes le 11, il faut prendre des bus lambda, avec plusieurs correspondances. ça ne coûte rien. 15 yuans pour faire 75 bornes environ, un peu plus d'un euro.

Nous voulons aller à Si Ma Tai, portion encore préservée de la Grande Muraille. Moins touristique car plus loin de Beijing, donc plus authentique. Le problème c'est qu'en arrivant à Miyiu, on apprend que l'entrée de Si Ma Tai est fermée pour restauration. ça avait totalement échappé à Yuan. Qui du coup se renseigne à droite à gauche. Un rabatteur nous suit et nous propose de nous emmener dans une portion de Si Ma Tai tout de même accessible. Du genre collant le rabatteur. Il va nous convaincre, pense-t-il. Yuan ne l'entend pas de cette oreille, et devant tant de lourdeur, finit par monter en pression. Le rabatteur l'insulte. Je suis dans mes petits souliers.
Le rabateur parti, des conducteurs de bus nous indiquent comment accéder à la Grande Muraille. On grimpe dans un minibus. Je suis debout entre les sièges, sans aucune idée du temps qu'il va falloir se maintenir dans cette position, quand je suis sauvée par mon ventre rond, laissé bien en évidence pour susciter un peu de compassion (j'avoue). ça fonctionne, même pas besoin de faire les yeux humides, un homme me laisse sa place. Ouf ! encore une bonne heure de route dans les montagnes. Heureusement, elle est en bon état, "c'est parce qu'on est dans le coin de Pékin", m'explique Yuan. Dans les autres provinces, autant dire que sur le bitume, ça secoue.

Bercée par les conversations en mandarin, soûlée par le ronron du moteur et grisée par la vue des paysages de campagne.

Soudain, le bus s'arrête pour nous. Entrée d'un village. Effectivement, on voit la Grande Muraille, mais elle est loin, non ?
Notre but sera de l'atteindre. Petite randonnée de rigueur. Je transpire à grosses gouttes, j'ai du mal à me hisser, ça grimpe sévère, il fait très chaud. Au bout d'un moment, il faut s'avouer vaincues, on ne pourra pas y accéder. Bien trop escarpé.
Ce n'est pas grave, la vue est superbe. Un coup d'oeil en l'air, apparaissent tout près les fortifications, de l'autre côté, des montagnes à perte de vue. Sublime. Nous sommes toutes seules au milieu de ce paysage grandiose. Nous sortons nos pique-nique, c'est le bonheur.











Retour à l'arrêt de bus. Il faudra du temps pour rentrer sur Pékin. Nous traversons un village. Pratiquement désert. Caquettement des poules qui grignotent le plastique de décharges improvisées, poulaillers de bric et de broc (ci-dessous), aboiement des chiens à l'entrée des masures.
Briques rouge et inscriptions porte-bonheur. Celles-là même que je découvrais à travers la vitre sale du train en arrivant en Chine par les rails. Cette fois, je suis vraiment tout près des paysans de la montagne.



---
Mardi 12, le quartier musulman. Une rue en fait, qui porte le nom de la mosquée : Niujie.



C'est la plus ancienne et la plus importante mosquée de Pékin. Parfait syncrétisme entre temples bouddhistes et minarets arabisants. Son gardien est très sympathique. Yuan lui explique que je suis étudiante en histoire et que je travaille sur les musulmans de France, (un vilain mensonge mais comme je n'ai qu'un visa de tourisme je me méfie). Je l'interviewe. Yuan fait la traduction simultanée. J'apprends combien il y a de musulmans dans la ville, jusqu'à 300 000 environ selon les statistiques officielles. (30 à 50 millions en Chine surtout dans le nord et l'ouest du pays). 74 mosquées dans la ville selon Feng Guoqiang, c'est son nom. Souriant, calme, abordable. Très croyant aussi.


C'est lui, à droite. Il passe plus d'une heure à répondre à nos questions. Mode de vie des musulmans en Chine, (cinq prières, ramadan, habillement, écoles), formation des imams, stigmatisation éventuelle, révolte des Ouighours, spiritualité, avenir, il n'élude aucune question. Il ne voit pas de hic, il déplore seulement que les jeunes générations délaissent les mosquées, et qu'il n'y ait que 200 croyants qui pratiquent de manière fervente dans sa mosquée. Il se dit musulman avant d'être Chinois, par respect pour son Créateur, il se préoccupe de l'avenir de ses frères et soeurs partout dans le monde. Il prône des mosquées ouvertes aux non musulmans, un islam de l'épanouissement personnel et collectif. Si j'ai un peu de temps et de courage, je mettrai peut-être en ligne son ITW sur la longueur.





Une personne et un lieu qui dégagent une vraie sérénité.



Luce

1 commentaire:

philippe tonton a dit…

chiner un peu partout de bric et de Broch...sans dec, ça fait rêver ton reportage, bravo à toi ma belle !