L’idée m’a traversée l’esprit plusieurs fois. Précisément entre le moment où je sortais de l’appartement de Yuan et le moment où j’appelais l’ascenseur. ‘Quand je s’rai vieille, j’irai m’installer à Beijing’. Il fait bon être vieux en Chine. Idée un peu con je le reconnais. Si je dis ça, c’est parce que je n’ai pas vu beaucoup de personnes âgées isolées. Celles de l’immeuble de Yuan passent leur journée à fumer des cigarettes, jouer aux cartes et discuter. Ensemble. C’est répandu en Chine. Les personnes isolées sortent de chez elles, et se regroupent pour être plus fortes et moins seules. Beaucoup de vieilles dames, pas forcément très vieilles d’ailleurs.
Je repense à ma voisine de 85 ans à Belfort. Elle ne sortait jamais. Ce n’est pas faute de lui avoir proposé de l’accompagner au parc en face de chez nous. Non, cette femme très fière ne voulait pas se mêler aux autres ‘vieux’, elle qui ne se reconnaissait pas en eux. Ceci dit, c’est vrai qu’ils n’avaient pas l’air de s’éclater les vieux du parc de la Roseraie à Belfort. Ils prenaient un bol d’air les uns à côté des autres. Transparents.
Il m’a semblé que les vieux en Chine avaient plus de corps. Peut-être un peu plus la santé à force d’exercice. aussi Et surtout étaient plus visibles. Ils ne semblent pas mis au placard. Ils ne demandent pas leur reste pour avoir des activités. Tu les vois dans le métro, leur thermos de thé accroché à la ceinture, jogging et baskets, ou jeu de cartes dans la poche.
Attention, je ne dis pas qu’en France, il n’existe pas des personnes âgées qui se regroupent spontanément, ça se fait aussi, notamment dans les villages ou via les foyers ruraux, les clubs, les MJC ou les maisons de retraites.
Mais rien à voir avec l’institution qu’est le rassemblement des gens en Chine. L’individualisme qui se développe à tout va dans le pays n’a pas encore transformé certains modes de rapport au collectif. L’individu n’est que la partie d’un tout. Cela fait peur en fait. Me reviennent les images des étirements du matin obligatoires avant d’aller bosser, la voie unique du communisme, la censure et la propagande.
N’empêche que dans les parcs et sur les bancs publics, jeunes et vieux se mêlent un peu plus, et il n’est pas rare de voir une femme d’âge mûr bien sous tous rapports se déhancher corps et âme dans une danse effrénée ou partir dans un rire tonitruant. Sans peur du regard de son voisin.
Luce
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