dimanche 17 avril 2011

Le Great Firewall


Chouette, on arrive en Chine, ! On va enfin avoir une connexion potable pour Internet, avais-je naïvement pensé en prenant mes quartiers à Beijing. Désillusion en arrivant à l’auberge de jeunesse. Ah ça oui, tu as le wifi, no souci, ils ont même prévu dans ta chambre la prise adaptée à ton ordi et le câble éthernet qui va bien pour te connecter sur la Toile.

Mais, que tu as la mémoire courte, tout ce que tu as lu sur la censure en Chine, eh bien ça y est tu l’expérimentes toi aussi !

Tu ne peux pas accéder à la moitié des sites sur lesquels tu passes tes journées en France. Pas de Facebook, pas de blogger.com. Donc finalement, je ne peux pas alimenter notre blog ni poster des photos de voyage sur Facebook.

La censure frappe toujours fort en Chine. Le Great Firewall.

Ne te fatigue pas à taper sur le moteur de recherche Google ‘Tiananmen 1989’, ‘Falun gong’ ou ‘censure en Chine’, ta page restera blanche ou ta connexion internet sera réinitialisée. Idem sur le moteur de recherche numéro en Chine, Baidu.

Mais mon hôte, Yuan, journaliste et jeune femme dans le vent, fait partie de ces Chinois qui parviennent à contourner le Great Firewall. Oh, ils sont loin d’être tous des blogeurs engagés, mais ils veulent avoir accès à un plus large panel de sites. Ils franchissent la ligne rouge. Ils sont des cyberdissidents.

Et voilà comment ils font. Il faut s’armer de patience, c’est technique, mais ça marche la plupart du temps.

En rentrant de France, il y a deux ans, Yuan a écumé des forums et a fini par trouver des infos. Elle avait trouvé la solution du logiciel Tor qui permettait d’être hébergé par un serveur aux Etats-Unis, des plombes pour se connecter, et la connexion pouvait couper à tout moment.

C’était avant d’interviewer Beifeng (‘Vent du Nord’), le blogeur dissident chinois le plus connu, récompensé à la fin de l’année 2010 du Prix des Droits de l’Homme de la République française pour son action sur la Toile chinoise.

(Je l’aurais imaginé implanté à Beijing, mais non, lui officie depuis Hong Kong et Canton. Les cyberdissidents sont répartis sur tout le territoire chinois, principalement dans les villes.)

Il lui a expliqué une méthode bien plus efficace pour aller sur Facebook et autres sites, réseaux sociaux et micro-blogs interdits.

Tu vas sur le site internet Taobao.com, une caverne d’Ali Baba du Net où tu peux trouver toute sorte de produits neufs et très bon marché : du mascarpone, de la Chimay, des baskets de marque ultra soldées, des draps ou une machine à laver. Ta commande est livrée chez toi sous quelques jours.

Tu peux aussi acheter le logiciel qui va te permettre de devenir pirate. Il s’appelle Ssh. Ensuite, tu télécharges Firefox et une application qui te permet de te connecter via un serveur proxy étranger, autoproxy par exemple.

Puis tu as tout un tas de codes à rentrer :

ssh –D 7070 2y59112154@ssh2.xiaod.in

puis qtwli

Si c’est bien installé, dans une fenêtre violette apparaît ‘welcome’, tu peux aller taper sur Firefox tout ce qui te fais envie. Enfin, ne sois pas trop gourmand non plus. Tu ne pourras te rendre que sur la liste des sites autorisés par Ssh, ça comprend par exemple Facebook, mais il n’est pas rare que le site soit inaccessible.

Système D répandu mais pas si évident à installer, d’ailleurs Yuan n’a pas réussi à le faire sur mon ordi portable.

Après la récente prise de becs entre Google et le gouvernement chinois, le premier accusant le second d’aller puiser des infos dans les comptes gmail de ces clients pour mieux traquer et arrêter les droits de l’hommiste, Google s’est installé à Hong Kong, le moteur de recherche est donc moins stable en Chine.

Cela faisait quatre ans qu’il acceptait de limiter son moteur de recherche pour être en accord avec le gouvernement chinois et rester implanté sur le plus gros marché des internautes du monde.

Le blogeur et artiste très connu en Chine et à travers le monde Ai Wei Wei, a été arrêté en Chine début avril. L’info est passée inaperçue en Chine, sauf dans la sphère des droits de l’hommiste, militants et blogeurs, et du côté des médias étrangers. Motif invoqué ? ‘Pas besoin de motif, tu es en Chine, on t’arrête sans te donner d’explications’, me répond Yuan en reposant sa tasse de thé fumante. Elle reste silencieuse. Fin de la conversation. Après vérification, le motif serait 'soupçons de délits économiques'. Et pas droits de l'homme bien sûr.

Luce

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