mardi 17 novembre 2009

Préambule à l'écriture








Je suis à Tanger depuis la fin août et jusqu'ici,
je n'avais ni le temps ni l'énergie ni le goût de consacrer du temps à l'écriture,
je voulais donner à voir des images, rien que des images.

Et puis après près de trois mois ici, avec du temps, quelques belles rencontres, naît en moi une forte envie de comprendre, de goûter, de dire.

De formuler un avis sur ce que je ressens, ce qui me surprend, me plaît, me repousse, m'attire, me fascine ici.

Et il y a beaucoup à dire.

Tanger, ce n'est pas le Maroc, disent les Marocains de l'"intérieur", ceux qui ont toujours considéré la ville du Détroit comme faisant partie d'un autre monde, international et cosmopolite, un monde de débauche (prostitution, kif), une fenêtre sur l'Europe, par laquelle sont entrés des écrivains et des peintres tourmentés après la seconde guerre mondiale, venus goûtés à la beauté de cette rive sud de la Méditerranée.
-D'ailleurs je crois que les Tangérois se considèrent eux-mêmes avant toute autre chose comme des Tangérois.-

Tanger n'est pas la rebelle du Maroc que j'avais en rêve.
Certes pour certains fêtards, même à Casa, on ne s'amuse pas autant : les Tangérois se couchent tard et émergent encore plus tard, faisant durer mon plaisir de voir s'éveiller doucement la belle endormie, à l'odeur du lait au café (un cinquième de robusta / le reste en lait chaud) et au son tamisé des lève-tôt qui donnent l'impression de travailler en sourdine pour ne pas réveiller les citadins.

Tanger est peuplée des campagnards et des montagnards du Rif, Tanger est une ville conservatrice, à demi analphabète, où la femme n'est pas considérée à l'égal de l'homme. (J'ai déjà parlé de ma difficulté initiale de m'acclimater à un pays dans lequel même quand tu crèves de chaud, tu couvres tes épaules pour ne pas susciter le désir chez les hommes et des remarques graveleuses.)

L'islam y est très prégnant,
dans les voiles qui recouvrent pratiquement toutes les femmes, bien plus qu'à Rabat et Casa mais aussi dans des villes plus petites comme Tétouan ou Chef Chaouen,

dans le ramadan observé avec une grande déférence,
dans le poids des traditions qui ont la vie dure.

Tanger a été abandonnée par Hassan II, qui n'a laissé aux Tangérois qu'une seule voie : la débrouille.
Le système D à chaque étage, un bordel ambiant qui fait encore aujourd'hui s'arracher les cheveux aux non Tangérois qui hallucinent littéralement sur certains comportements bien d'ici.

Exemple parmi des dizaines d'autres rapporté par un Rabati (habitant de Rabat) installé à Tanger :
"un ouvrier vient chez toi, tu es en train de parler avec lui, et tout à coup, quand tu te retournes, il n'est plus là. Tu n'as plus de nouvelles, tu t'inquiètes. S'est-il fait écrasé par un de ces fondus du volant? Il revient une semaine après et s'étonne que tu te sois inquiété : il avait quelque chose à faire, c'est tout, pas plus d'explication."

Depuis dix ans, et le début du règne de Mohammed VI, la région du Détroit bénéficie d'un rattrapage, les investissements sont légion : zones franches, Tanger Med I et II (infrastructures portuaires), ferries de touristes (Tanger est à moins de quinze kilomètres du sud de l'Espagne d'où les visites touristiques éclair), et un énorme potentiel en terme d'équipement culturel, social, immobilier qui attirent escrocs et bien intentionnés...

On trouve tout à Tanger, le pire et le meilleur, j'aurais l'occasion d'y revenir.

Luce

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