mercredi 25 novembre 2009

Métier : ramasseur de plastique - Tanger






Au Maroc, il n'y a pas encore de vraie chaîne de recyclage.
Ici comme ailleurs sur le continent, ce sont des hommes (au sens d'humain, les femmes et les enfants font ça aussi), qui récupèrent cartons, plastique, ferraille pour qu'ils soient ensuite recyclés.
On les voit dans les rues portant sur leur dos, ou poussant dans des charrettes de fortune, des détritus recyclables récupérés dans les poubelles ou par terre.

Adel, mon ami tangérois, m'a emmené jusqu'à l'un des entrepôts où ils déposent leur collecte du jour.

Dans ce quartier près de la corniche, au coeur de Tanger, ça pousse à toute vitesse.



Entre ces deux bâtiments, un entrepôt que je n'ai bien sûr pas été autorisée à prendre en photos.
J'ai pu y entrer quand même avec mon enregistreur.
C'est un hangar de trois pièces où des femmes et des hommes font des piles, entassent, rangent, plient dans l'obscurité, la saleté.

Le patron de l'entrepôt n'a pas voulu me parler. Mais je sais comment cela fonctionne : lui achète très peu cher ce que des petites mains lui rapportent, et il revend à une société qui traitera les produits.

C'est 1 dh (moins de 10 cts d'euros) le kilo de plastique rapporté, 40 centimes de dh le kilo de cartons, pour le cuivre, c'est jackpot, 7 dh le kilo.

C'est donc là que Mohammed -à gauche- ramène souvent ce qu'il a trouvé dans la rue et dans les poubelles. Lui a une petite chariotte, a 59 ans, cela fait quatre ans qu'il fait ce "métier" pour nourrir ces enfants depuis que sa femme est morte. Il vient d'El Jadida.






Zacharia fait ça aussi. Lui a 42 ans, et nous a emmené jusque chez lui, à deux minutes de l'entrepôt.
Voyez plutôt.





Une tente faite de bric et de broc qu'il partage avec son frère qui est gardien de parking. A vingt mètres à vol d'oiseau, une rue passante, et des bâtiments modernes. Ils sont cachés derrière des cannes montant à 3 mètres de hauteur.





Ils squattent cet endroit. Leur histoire est folle : ils habitaient dans la maison adjacente, celle-là,





jusqu'à ce que leurs parents ne la vendent. Et qu'ils se retrouvent à la rue.





Son frère a été recensé comme sans-abri, l'Etat va lui donner un lopin de terre en périphérie.
Mais Zacharia n'a pas été compté, et n'a droit à rien.

Ils ont leur bidonville "familial", mais juste à côté de l'endroit où ils vivent, il y a un bidonville encadré par des immeubles modernes.








Les maisons leur appartiennent. Ils ne s'en éloignent jamais trop. Sauf quand il pleut, ils vont se réfugier dans les immeubles en construction.


Et sinon ?
Le ramassage des ordures est confié de plus en plus à des sociétés privées qui gèrent d'ailleurs plutôt mieux que leurs prédécesseurs la récupération des déchets (c'est toujours pas ça à Tanger, les poubelles dégueulent, restent longtemps en plein soleil, et ce, en plein marché et dans les quartiers du centre ; en périphérie, c'est bien pire).

L'écologie, c'est un vrai problème d'éducation d'abord : le passant lambda jette son mouchoir, son paquet de cigarettes vide, son emballage plastique et ça ne pose de problème à personne.
Et puis il y a les "micas", ces sacs plastiques qui se collent aux arbres ou stagnent sur les carrés de verdure où broutent les chèvres et jouent les enfants.
On ne trouve pas une pelouse publique qui n'en soit recouverte.

Sans parler de tout ce qui est traitement des eaux usées, recyclage, il y a encore plus à faire.
A Tanger il y a maintenant une station d'épuration, mais on ne peut toujours pas se baigner dans la partie de mer à l'intérieur de la ville, l'eau est beaucoup trop polluée par les égoûts et les rejets des usines.

Enfin, j'arrête là la litanie du désastre écologique actuel, c'est l'une des choses qui m'énervent le plus ici, j'espère qu'ils feront un effort sur ce point un jour. Inch'allah.

1 commentaire:

Unknown a dit…

La majorité d’entre nous passe devant la pauvreté et ne la voit même pas. Nous l’ignorons parce que nous avons peur nous retrouver dans la même situation, parce que nous avons pris l’habitude et cela ne nous fait plus rien ou pire parce que nous nous disons que c’est normal et que cela fait partie du décor.

Mais quand nous ne faisons pas que passer, nous parlons à ces gens et nous entrons chez eux, nous ne pourrons plus les ignorer. Heureusement que l’Homme est aussi bon et généreux. Son bon côté prend naturellement les commandes et décide de ne plus jamais ignorer les pauvres et le marginaux.

Adel