J'ai passé une très belle journée chez Zohra et sa famille.
Zohra, c'est la jeune femme que j'ai rencontrée à la sortie de la zone france. Eplucheuse de crevettes, illettrée, pauvre. Chez qui j'étais retournée pour tourner un reportage et chez qui je suis encore retournée hier pour répondre à son invitation de partager l'Aïd.
Elle habite dans une maison de brique rouge à Dhar Ahajjam, un quartier adjacent à Bir Chifa, en périphérie de Tanger. Un bidonville en dur, qui côtoie un bidonville en tolle. La fois précédente, les deux moutons (pour trois personnes, et pour une famille très pauvre, cela représente beaucoup d'argent) attendaient sagement dans la cuisine.
Fière elle aussi de poser près du mouton dépecé par son mari (un vrai travail de spécialiste). Comme un pêcheur fier d'exhiber en trophée sa plus belle carpe.
Rien à voir, vue du dessus : les poules sur la terrasse du voisin.
Dans leur cuisine sans table ni chaise, avec seulement une gazinière à cinq feux, Zohra, son mari et sa mère font griller sur un petit foyer les brochettes de mouton. Au premier jour de l'Aïd, un peu de cuisse et du foie : j'ai échappé au deuxième, et pour la première, je craignais le pire, n'aimant pas le mouton et ayant fait une intox alimentaire cinq jours avant : heureusement, c'était préparé avec beaucoup de cumin, je peux même dire que c'était bon, avant que ça refroidisse.
Leur vie mériterait plusieurs posts. Sa mère a divorcé d'un mari polygame hors des clous (cinq femmes + elle, quand la religion en autorise quatre max), a fui la misère de la campagne (c'est une Jbela) pour la misère de la ville, a trouvé pour elle et son aînée de quinze ans à l'époque un travail dans une usine, travail qu'elles exercent l'une et l'autre depuis dix ans maintenant. Elle est propriétaire de la maison, qui n'avait qu'une pièce au début et qu'elle a agrandi progressivement, dès qu'elle a pu.
Le repas entier était dressé sur la table : brochettes, mixture de tripes de mouton (sans moi), pain rond fait maison, pâtisseries faites maison, et beignets au miel/sésame. du thé.Dans leur cuisine sans table ni chaise, avec seulement une gazinière à cinq feux, Zohra, son mari et sa mère font griller sur un petit foyer les brochettes de mouton. Au premier jour de l'Aïd, un peu de cuisse et du foie : j'ai échappé au deuxième, et pour la première, je craignais le pire, n'aimant pas le mouton et ayant fait une intox alimentaire cinq jours avant : heureusement, c'était préparé avec beaucoup de cumin, je peux même dire que c'était bon, avant que ça refroidisse.
Leur vie mériterait plusieurs posts. Sa mère a divorcé d'un mari polygame hors des clous (cinq femmes + elle, quand la religion en autorise quatre max), a fui la misère de la campagne (c'est une Jbela) pour la misère de la ville, a trouvé pour elle et son aînée de quinze ans à l'époque un travail dans une usine, travail qu'elles exercent l'une et l'autre depuis dix ans maintenant. Elle est propriétaire de la maison, qui n'avait qu'une pièce au début et qu'elle a agrandi progressivement, dès qu'elle a pu.
Des voisins, de la famille qui viennent saluer. La télé allumée, le volume très fort. Les conversations animées. Le plaisir d'être ensemble et de me resservir de la nourriture poliment.
Le cadeau que j'ai apporté à Zohra, une tunique. La fois d'avant, j'avais ramené une plante.
Cette fois, c'était une erreur. Ce cadeau l'a plongée dans l'embarras. elle n'avait rien pour moi.
Chouma, la honte. je n'aurai pas dû faire ça, elle n'attendait rien de moi en plus, c'est bien ce qui me plaît dans cette relation avec cette famille.
Elle s'est activée dans sa chambre, a trouvé des affaires auxquelles elle n'avait pas retiré l'étiquette, et m'a offert un sac noir en simili cuir brillant, un débardeur 'love' et un pyjama à motifs, en deux parties, comme ceux qu'elle met dès qu'elle est chez elle pour être à l'aise, ou sous sa djelleba pour sortir.
Je ne les mettrai jamais. Mais je n'ai pas pu refuser.
Et au loin, à travers la fumée des braseros, Tanger. Encore plus loin, il y a l'Espagne.
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