dimanche 27 mars 2011

Deuxième jour à bord du transmongolien





Au départ de Moscou gare de Yaroslav, 13 h 35 mardi 22 mars

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Jeudi 24 mars, 12 h 20 heure de Moscou, deux heures de plus à Omsk.

Omsk, un million trois cent mille habitants, ses grues et ses sites intéressants à visiter, comme le lieu où Dovstoïevski s’est exilé plusieurs années. C’est ce que nous aurions pu voir si nous étions descendus du train. Il ne nous reste plus qu’à nous imaginer à quoi pourrait bien ressembler cette ville, dont nous ne verrons que le quai de la gare. Un voyage imaginaire dans l’histoire de la Russie, sa révolution, Lénine, Staline, les goulags, le pacte germano-soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale. Tout ce que j’ai beaucoup étudié il y a dix ans, et qui me revient par bribes dans ce train roulant cahin-caha.

Me reviennent aussi les longues soirées à dévorer sous la couette les grands auteurs russes, là, ça doit bien faire quinze ans. Dostoïevski, Gorki, Tolstoï mais aussi Soljenitsyne et son 'Archipel du Goulag'…

Et puis ce voyage d’un mois en Russie en août 2004. Un mois à Moscou et deux jours à Saint-Pétersbourg, aux côtés de Marie-Anne et de ses parents.

Omsk, donc. Le train s’est arrêté une petite demi- heure en gare, ça arrive régulièrement. De quoi se dégourdir les jambes quelques minutes et respirer de l’air neuf. Il fait constamment 26 degrés dans le wagon, le chauffage est poussé au maximum, une chaleur agressive et qu’on ne peut bien sûr pas régler.

On a attaqué le troisième jour de voyage non stop, on doit en être à notre 35eme ou 40eme arrêt sur 87 avant Irkoutsk, j’ai compté !

Ils durent tantôt 2 minutes, tantôt une vingtaine de minutes, nuit et jour. Dans le couloir du wagon 14 où se trouve notre compartiment, est affichée la liste des villes traversées, les horaires du train (toujours en heure de Moscou). Le décalage horaire est de plus en plus important, quand on sera à Irkoutsk, on devrait avoir cinq heures d’avance sur l’heure de Moscou.


Omsk. De nouveaux voyageurs sont montés, d’autres sont descendus. Nos nouveaux voisins, un groupe de jeunes hommes, rit très fort. Nous croisons les doigts pour que personne ne vienne dans notre compartiment. Bon d’accord, on a quatre couchettes pour deux, mais ce n’est pas du luxe, quand on passe tout son temps dans un endroit aussi restreint. Par deux fois pour l’instant, des voyageurs ont partagé notre compartiment, mais ce n’était que quelques courtes heures. Hier, deux militaires, qui ne nous ont pas décroché un mot. Ce matin, Viktor, un machiniste qui parlait trois mots de français, sympathique.

La palme des rencontres étonnantes revient pour le moment à Igor. Igor, c'est lui.


Cela faisait un jour et demi que Niko le croisait fin bourré dans les couloirs. Ni une ni deux, hier après-midi, voilà notre Igor qui se tape l’incruste dans notre compartiment. Il ne vient pas tout seul : il y a là une demi- bouteille de vodka, une bouteille de vin cuit bulgare pas entamée, une saucisse de Morteau version russe, du fromage, du pain et sa tasse. Sans préambule, il commande à Niko de se servir en vodka. Un quart de tasse, ‘c’est tout ?’, et puis c’est à lui, je passe mon tour, j’ai une bonne excuse pour ça.

Niko s’enhardit. A son tour, il taquine de la bouteille, croque à pleines dents dans la saucisse. Je me laisse tenter. De la charcuterie. Pas conseillé, mais tellement bon ! Igor va et vient pendant quelques heures, de plus en plus bourré, il transpire à grosses gouttes, pâlit. Il n’y a pas eu de trêve pendant le voyage, il n’en a bu que de plus belle et là il jubile de trouver des partenaires pour passer le temps. Il parle beaucoup, en russe, jeu de mains et dialogue de sourds très amusant pour se comprendre, très amusant au début en tout cas, parce que notre Igor l’aime bien la petite Franskou, il se la mettrait bien sous la dent, et l’alcool aidant, il devient légèrement entreprenant.

Le fin mot de notre aventure à ses côtés se situe en gare de Perm, c’est là qu’il descend, et c’est là que nous descendons avec lui le temps d’une dernière photo. Il attend que le train redémarre avant de partir et nous fais de grands signes exubérants depuis le quai.

Sacré Igor, grâce à lui, nous sommes entrés de plein fouet dans la culture et la langue russe, une culture et une langue qui nous étaient pour une fois adressées, à nous, deux étrangers.

Une après-midi russe inattendue et rafraîchissante. Qu’on était tout de même pas fâchés de clore.


Luce

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