mardi 29 mars 2011

Instantanes dans le deuxieme train

Instantané 1 – 2eme train entre Irkoutsk et Oulan Bator, le train K6
Lundi 28 mars, 13 heures, Oulan Oude.

On approche de la frontière avec la Mongolie. 30 minutes de pause à la gare. Au moment de sortir prendre le soleil sur le quai, une remorque remplie de charbon est arrêtée juste devant l’entrée du wagon. La podvonista fait remplir par deux bonshommes en vestes fluo orange des seaux de charbon qu’elle récupère pour notre wagon. Le charbon, c’est pour faire chauffer le samovar, je suppose, de l’eau bouillante en continu, c’est le plus du train. Au même moment, un autre gugusse, lui, en veste fluo jaune, passe de wagon en wagon et tape sur les roues. Niko, fils de cheminot, me dit qu’il vérifie le niveau de l’huile. Et que ça lui fait penser à Bourville dans Le Cerveau. Je passe mon tour, moi, à part La vache et le prisonnier, j’avoue que j’ai séché les dimanches soirs devant Bourville et De Funès.

En tout cas, pour le Transsibérien/Transmongolien, les choses sont réglées au cordeau. Train à l’heure. Vérifications faites. Le prestige de la ligne ferroviaire la plus longue d’Europe (du monde ?) demeure, et c’est en partie justifié. Surtout quand il s’agit d’un vrai Transmongolien, pas de l’équivalent du tchoutchou qui s’arrête partout et qu’on a pris la semaine dernière.

Comble de luxe, la podvonista est même plus sympa, et notre comparse de compartiment (il fallait bien qu’on partage à un moment donné) est lui aussi discret et coolos. Vladimir, un Ukrainien qui vit au sud de Kiev. Et termine un périple de 6 jours de transsibérien pour se rendre à son travail, à Djoude, juste avant la frontière avec la Mongolie. Il bosse dans l’aéronautique, sûrement pour l’armée de l’air, et pour Airbus. C’est tout ce qu’on a pu tirer de nos échanges avec les mains. Déjà pas mal me direz-vous sans parler la moindre langue commune. Euh, on espère pour lui que ce type de déplacement pro est plutôt rare, parce qu’il vient tout simplement de traverser toute la Russie.

Luce

Instantané 2 – Doux comme un dimanche fin d’après-midi à Irkoutsk

Lundi 28 mars, début d’après-midi

Je repense à Irkoutsk. Ses maisons de bois, héritage du passé, coincées entre des bâtiments, son centre-ville animé. La rue Ouristkovo, sur laquelle on tombe par hasard. Un groupe de jeunes fait de la musique, genre rap et beat box, on sympathise, je prends des photos, Niko filme. C’est une belle fin d’après-midi. Même Niko arrive à relayer au second plan le coup du tramway qui vient de se produire :

Alors que le minibus nous ramenant de Litsvianka nous dépose devant la gare routière, comme l’auberge est loin, on décide de monter dans un tram. On achète des billets à 10 roubles l’unité (25 cts d’euros), on les composte avec une machine du poinsonneur des Lilas. Derrière nous des rangées d’hommes et de femmes. Ils sont élégants, surtout les femmes. Charme désuet dans le vêtement, charme rétro, presque glamour dans la coiffe et le maquillage. Beaucoup de jeunes femmes sont très jolies, type slave, teint pâle, nez effilé, yeux clairs, cheveux bruns, surmontés d’un chapeau ou d’une chapka. La grande mode semble être de porter de faux ongles bariolés. Moins de quatre couleurs différentes, tu n’es pas dans le coup. Et il faut que cela signifie quelque chose : un soleil, ou s’il s’agit d’une forme abstraite, tout l’art consiste en sa reproduction 10 fois à l’identique. Par la fenêtre, les femmes les plus âgées portent des fourrures de pied en cap. Assises sur un banc, elles se repoudrent. Plus chic. So glamour.

Le contrôleur m’arrache à mes observations. ‘Où allez-vous ?’ en russe. Ul Lenina 9. Il nous fait comprendre qu’il nous fera signe quand il faudra descendre. De la gentillesse, comme ça ? Vraiment un bon feeling avec cette ville d’un demi-million d’habitants. Je savoure. A son signal, on quitte le tram. Et là, pas la moindre rue Lenina ni rien d’approchant. Nous demandons notre chemin à un vieil homme, il nous fait comprendre que c’est loin, très loin. Ce salaud de contrôleur nous a lâchés à l’autre bout de la ville. Ça n’entache pas notre bonne humeur, en tout cas la mienne : le grand détour fait en tram nous a permis de visiter la ville, et de goûter sur notre chemin du retour à pied un peu de l’atmosphère douce qui règne sur LA ville orientale de Russie.

Luce

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Instantané numéro 3- Midnight Express

Lundi 28 mars, début d’aprem dans le transmongolien.

17 h 30 dimanche à l’auberge de jeunesse, nous lançons une lessive, nourrissons le blog après cinq jours sans internet. Quand l’une des responsables de l’auberge au téléphone nous demande en anglais si, comme nous allons à Oulan Bator, nous pouvons rapporter le shampoing d’un précédent hôte. Un shampoing ? Un type va venir d’ici une quinzaine de minutes l’apporter, nous verrons avec lui. Entre-temps, on se consulte : c’est quoi ce plan ? Il y a quoi dans son shampoing à l’autre gugusse pour qu’il veuille tant le récupérer ? Midnight Express, ça vous rappelle quelque chose ? On doit passer une frontière, qui plus est entre la Russie et la Mongolie, alors pas question de prendre avec nous des bagages qui ne nous appartiennent pas. Ça peut sembler ridicule pour du shampoing. Mais qui nous dit qu’il s’agit vraiment de shampoing ? La suite nous donne la conviction que nous avons eu raison. Un jeune homme arrive, il nous montre le sachet avec deux lotions sans étiquette. Ses mains tremblent. On lui demande pourquoi son client fait autant de cas de son shampoing ? Il répond que c’est un Australien, que son shampoing coûte cher, qu’il prend très soin de ses cheveux. Mouais. On décline pour le service, il n’insiste pas, nous offre un DVD et des cartes postales et s’éclipse dans l’instant. Est-ce qu’ils cherchaient des pigeons pour jouer les mules, et vu nos histoires de retard à l’auberge et de billets non livrés par la poste, ils se sont dits à l’auberge qu’ils tenaient les bons oiseaux ? Est-ce qu’ils tentent avec tous les jeunots qui vont en Mongolie ? Est-ce que l’auberge cautionne ? Ou alors s’agit-il simplement du caprice d’un dandy prêt à monnayer pour un shampoing ? On ne saura jamais, mais l’attitude fiévreuse du jeune homme nous fait dire que nous avons fait bien fait de ne pas tenter le diable. Je dois même dire, au moment où j’écris ces lignes, perchée sur mon lit de transmongolien, et alors qu’on approche de la douane, que je ne suis pas fâchée d’avoir juste avec moi mon shampoing à l’abricot Super U.

Luce

Instantané 4 – Le minibus

Lundi 28 mars, toujours en début d’après-midi.

Et là je me dis que ce n’est plus vraiment l’Europe, qu’on est au bout du monde, et que j’aime ça.

Samedi tout début d’aprem, la jeunette de l’auberge nous indique un lieu où prendre un minibus pour aller voir le lac Baikal. C’est 100 roubles par personne, 2,5 euros pour faire 70 kilomètres. Que dalle. Nous trouvons la gare, des camionnettes et des minibus sont garés dans un secteur de la ville, au nord-est, et derrière le pare-brise est indiqué la destination, en alphabet cyrillique bien sûr, mais si à l’oral je ne sais toujours pas dire bonjour en russe, je peux le lire. Je vous montrerai bien ce que ça donne Irkoutsk en alphabet cyrillique mais je n’ai pas l’ordi adéquat.

Nous sommes maintenant 14 passagers, le chauffeur démarre. Cap sans encombre jusqu’au lac Baikal. Deux jeunes filles nous font face dans cet espace étroit rendu ultra fonctionnel. Elles rient en feuilletant un journal. Elles ont fait des courses en ville, à Irkoutsk, et retournent dans leur campagne sans magasins. A côté d’elles, une vieille dame tousse à s’en décrocher les poumons. Vu les gauloises sans filtre qu’elle doit fumer depuis cinquante ans, je la trouve relativement bien conservée. L’écharpe à carreaux qu’elle a nouée autour de ses oreilles la sauve au moins de la grippe. Je me sens bien parmi tous ces Russes. Je me laisse bercer par le roulis de la camionnette et somnole.

Retour le dimanche en début d’après-midi. Litsvianka – Irkoutsk. Nous grimpons dans un camion bien plus grand. Bien plus vieux aussi. Nous sommes calés devant, les genoux repliés à hauteur de la poitrine. Je suis étonnée, le conducteur démarre alors qu’on n’est pas au complet. Je comprends mieux pourquoi. Il s’arrête tous les cinq cent mètres pour déposer ou faire monter quelqu’un, jusqu’à s’engouffrer dans les lotissements de modestes maisons de bois. La route est défoncée par les nids de poule, elle n’est pas dégagée, il y a encore des congères, des plaques de verglas. Echange de regards avec Niko : a ce rythme on n’est pas arrivés< Heureusement, rapidement, le camion reprend la ligne droite. Il atteindra tout de même les 30 passagers pour 24 places assises. Belle perf. On est dimanche, nombreux sont les habitants d’Irkoutsk à aller s’éclater et pique-niquer aux abords du lac Baikal. Ça ne vaut pas un taxi brousse surpeuplé mais c’est déjà un beau plongeon dans les conversations et la vie russe.

Luce

Instantané 5, l’omoul

Pendant deux jours, son odeur ne m’a plus quitté : l’omoul. Du poisson qui ressemble à de la truite et qui se mange à toutes les sauces mais surtout à la manière fumée. C’est la star locale, avec le phoque blanc nerpa qu’on n’aura pas eu la chance de voir. Tu ne peux pas le rater, il s’étale sur tous les marchés, dans les bouibouis proches du lac. Poisson entrouvert et retenu par des cure-dents, sa peau se retire facilement et tu n’as plus qu’à savourer. Un délice.

Instantané 6, Il n’y a pas que les rappeurs américains qui ont des dents en or, il y a les Russes aussi.

Sourire inimitable. Hommes et femmes. Il leur manque plusieurs dents, alors on leur a mis des dents en or, ou en plaqué je suppose. Une fois en France, je me renseignerai sur ce que ça veut dire du rang social. Plus t’as de dents en or, plus t’es riche ?

Je me pose aussi d’autres questions existentielles, et je n’ai trouvé aucun Russe pour l’instant pour y répondre :j’ai cru voir en passant une station-service proposant du carburant qu’on ne fait plus depuis très longtemps en France, genre très peu raffiné. Ça existe le super 80, voire 72 ? Vue l’odeur de charbon et d’essence qui règne dans les villes, c’est pas impossible.

Enfin, pourquoi les Russes ne vendent-ils pas de jus au verre dans les cafés ? Tu dois acheter ton litron, super. Je me rabats sur les hot chocolate, les chocolats chauds sans lait, que j’avais découvert avec Marianne au café Pouchkine, célèbre café chic de la capitale russe. La cuillere tient debout toute seule tant le chocolat est épais.

Luce

Dasvidaniya

Bon, j’en vois qui rigole déjà…J’ai demandé à Luce de clore la Russie par un de mes posts. Comment résumer cet épisode Russe ?

Pour moi, l’accueil des étrangers par les Russes n’a pas changé entre 2005 et 2011. Il est à peu près identique à celui d’un nègre dans un bar texan : autorisé par la loi mais à ses dépens.

Comme beaucoup de pays qui ont joué la carte du patriotisme à son extrême, les Russes ont succombé au racisme. Ce pays est dangereux, me disait à l’instant Yric, un Mongole vivant à Ekaterinbourg. Sans doute. On ne nous donne en tous cas pas l’envie d’y rester.

Revenons en détail sur le séjour. Un bref passage à l’auberge TSH de Moscou que vous n’aurez sans doute pas l’occasion de connaître puisque l’autre narcoleptique, après avoir sniffé du cacao et baillé une fois de trop devant la gazinière à 4 feux qui sert de chauffage l’aura éteint accidentellement. De là, l’autre maquerelle en pyjama aura cru bien faire en débranchant son fer à friser, ce qui aura pour inéluctable conséquence de faire exploser le 12 de la rue Baschievsky, expédiant de facto le caca de chat stocké dans la cage d’escalier sur tout le pâté de maison alentour. Explosion qui sera sans doute attribuée à un groupe de Tchéchènes par le FSB toujours enclin à faire éclater la vérité.

Passons, donc.

Le transsibérien. Ah, le transsibérien. Un moment inoubliable, riche de rencontres, de sens ; qu’il est bon de partager cela avec des amis Russes toujours emprunts à une franche rigolade, au podovnista et à son sourire éclatant qui vous accueille aimablement dès le départ. Un train quelque fois un peu brusque mais si vivant. C’est un peu la version du guide Lonely planet Transsibérien 2008. Il faudra d’ailleurs que je fasse un post sur ce guide qui conseille des auberges exceptionnelles.

4 jours donc. Euhhh, c’est un peu long. Dire que j’y suis resté 5 jours d’affilée en 2005 avec 3 Chinois dans mon compartiment. Rien que pour ça, je devrais avoir une médaille.

Et bien cette fois-ci, ‘peanuts’, comprenez, personne, un compartiment à 2. Dingue.

On a pu profiter à fond. Je veux dire, c’était bien quoi. Bon, on a dormi 2h/nuit, mangé des nouilles à l’eau chaude avec une sauce à la viande qui aurait fait fuir une partie de l’Oural si les fenêtres du compartiment avaient pu s’ouvrir, fait caca debout en tongues en essayant de suivre la bascule du train à chaque seconde, et s’être lavé le cul au gant de toilette pendant 4 jours.

Un voyage inoubliable.

Le lac Baïkal vaut le coup. Evitez seulement les hôtels DREAM avec ou sans S.

Allez, dasvidaniya.

photos du lac baïkal




une aire de jeux immense
ils font même de la bouée tirée en voiture...
le marché local
et nous !

Irkoutsk & lac Baïkal

Lundi 28 mars – 10h58 – dans le train K6 entre Irkoutsk & Ulan Oude.
Je dois donc reprendre le fil de l’histoire à notre arrivée à Irkoutsk, à 09h45 heure locale et donc 04h45 heure de Moscou. Oui, je sais, c’est pas facile de s’y retrouver…une fois sorti de la gare, nous avons pris un taxi en direction de l’auberge de jeunesse Baikaler Hostel, app 11 – Ul Lenina 9. Franchement la ville est attirante et le soleil donne une lumière pareille à celle des sommets de montagnes. C’est un signe. Et ça se confirme, la deuxième auberge de jeunesse réservée par Luce est de qualité, si, si. Clean, staff accueillant, bonne orga. Dommage que l’on y reste pas plus que le temps de récupérer nos billets de train 'Irloutsk-Oulan Bator' envoyés par la poste !

Ben oui, je ne vais pas tout réexpliquer, on a loupé le train à Moscou et donc perdus les billets 'Moscou-Irkoutsk' et on doit filer fissa à Baïkal ayant perdu 2 jours sur le timing initial. Vous suivez ?
Mais de toute façon, à l'auberge 'Baïkaler Hostel', ils n’ont pas reçu nos billets de train.
Il n’y avait pas de signe. C’est reparti.
Le staff nous indique un endroit dans le rez de chaussée d’un hôtel à 2kms de là afin de racheter des billets 'Irkoutsk-Ulan Bator', pour la deuxième fois consécutive. Ce voyage pourrait être une pub militante pour le désordre global, la désorganisation complète, avec le sous-titre possible : ‘Join us to desorganise the world’.
On pourrait aussi faire des mini-épisodes pour les enfants.
Passons.
On a bien trouvé l’agence au RDC de l’hôtel indiqué, acheté de nouveaux billets de train et ainsi augmenté le capital de la RUS Railway. Maintenant, on file vers la gare routière chopé un minibus pour Listvianka.
Luce a réservé un hôtel, le seul du périple, le ‘Baïkal Dream’, je sais ce que vous allez dire : ‘ça, ça pue’. Minute, attendons pour voir.
On trouve le minibus, on part pour LIstvianka, une ville à 70kms d’Irkoutsk, face au lac Baïkal. Le minibus nous dépose à proximité de Ul Tchaiepeva, remontant entre 2 montagnes gorgées de bouleaux et recouvertes de neige.Face au Baïkal. Immense. Recouvert de 1 à 2m de glace. Au loin, derrière ses 100kms de largeur et sur la rive sud, on aperçoit la chaîne de montagne Bouriate ‘Khrebet Khamar Daban’, massive et faisant face comme les Pyrénées Françaises.Et j'ai retrouvé le bateau de Captain Igloo !

Nous sommes tous deux estomaqués par cet espace grandiose, cette aire de jeux pour enfants et adultes de 600 kms de longueur. Sur les eaux gelées, voitures jouant le rallye, parcours de golf improvisé, Skidoo, Quad, Hydroglisseur, marcheurs, sculptures de glace, tout est là, aucune règlementation apparente. La seule règle semble celle de se faire plaisir.
Nous décidons d’aller jeter les bagages avant de revenir courir sur ce Baïkal tant imaginé. 2 kms plus haut, nous arrivons au N°69. ‘Baïkal dream’ sans doute. Mais personne. Luce se démène pour trouver quelqu’un, passe au N°65 car le nom de l’hôtel au N°65 est le Baïkal DreamS’ avec S. Un rêve n’est pas des rêves, pensais-je tout bas.
Et au puis au bout de 30mn, Nicolaï arrive. Il revient du ski. Ok, pas grave. Il nous montre la piaule. Nickel avec vue sur le lac, c’est carrément le top. Puis, il nous parle du prix et là, ça se complique, on part dans un quiproquo hallucinant, dont les meilleurs sketches comiques n’arrivent pas à la cheville. Nicolaï nous parle d’un ‘breakfest’ à 40 euros, on lui dit qu’il y va fort, qu’on se passera du petit déjeuner et qu’on va prendre que la chambre que Luce a déjà payé par Internet. Mais Nicolaï n’a pas internet, etc…etc… 40 euros était bien évidemment le prix de la chambre avec petit déjeuner mais l’hôtel n’était pas le bon. Luce avait réservé au ‘Baïkal DreamS’ au N°65. Une heure plus tard, nous emménageons dans la chambre 8, pourrave, avec vue sur un mur glauque et un accueil détestable, traditionnel. Ca nous ressemble déjà plus.
J’avoue, j’ai un peu craqué, un ‘dream’ de trop.
Nous jetons les sacs et partons courir sur le lac. Et c’est un fait, le Baïkal efface tout, son immensité blanche purge les affronts, donne le sourire et fait plisser les yeux.
Sous nos pieds, 1,5m de glace et 2kms d’eau par endroit. Une eau si pure que l’on peut la boire sans la filtrer. 1/5 des réserves mondiales d’eau douce sont là. Mais cet amas de chiffres et les photos ne traduiront rien. A lui seul, il vaut le voyage, il vaut tout ça et bien plus.
Le Baïkal vous attend.
Niko

lundi 28 mars 2011

Tu as dormi ?

Plus besoin de nous poser mutuellement la question. Tous les matins, quand on défroisse nos visages dans la lumière du jour, on se demande si le train n’est pas passé dessus. Pas fermé l’œil de la nuit. Ça fait trois nuits que ça dure, je compense tant bien que mal avec une poignée de minutes volées au temps par ci par là. Niko ne dort pas mieux, et lui qui d'habitude dort dès qu’il pose la tête sur l’oreiller, je me dis qu’il y a du mal de fait. Ben oui, c’est très bruyant un train, ça secoue aussi beaucoup. Il fait très chaud dans le compartiment et on ne se dépense pas de la journée, le parfait cocktail pour ne pas dormir. Mais bon, on s’en fout, personne ne nous attend frais dispos alors on est un peu en vrac et on est d’autant plus contemplatif des paysages.

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L’ennui guette, il n’est pas loin. Alors hier soir, on l’a sorti. Quoi ? Le jeu de cartes. Une bataille. Il n’y a rien de plus pourri comme jeu. Et en plus Niko m’a battu, je n’ai pas aimé. Nonchalamment. Pour tuer le temps. On s’est beaucoup amusé, non pas par le jeu en lui-même, mais de constater qu’on commençait vraiment à s’ennuyer ferme. Au-delà de l’anecdote, c’est bon de ne rien faire. C’est tellement rare. Pas de journaux, pas de téléphone, pas d’internet. Ton compagnon de voyage, un bouquin, de menues occupations et le va et vient des passagers. Ah oui, surtout ! laisser la porte du compartiment ouverte, pour voir un peu la vie autour de soi. Oh, pas grand-chose ! Ton voisin de chambrée adossée à la fenêtre, la péteuse brune aux jeux bleus qui me toisent, me jeter un regard glacial parce que j’ai eu le malheur de tenter d’ouvrir la porte des toilettes pendant qu’elle y était, ce genre de choses palpitantes. Sonia, ses « coucous », et son rire explosif nous communiquent de la bonne humeur. Je ne donnerais rien au monde pour être ailleurs. On est bien, à l’autre bout du monde, à attendre impatiemment le prochain événement de la journée : la descente à la prochaine grosse gare pour marcher et se ravitailler.

dimanche 27 mars 2011

Toilette de chat

Le bon vieux lavage au gant. Quand prendre une douche était une vraie plaie, et que je préférais mettre en scène ma fausse douche, mouiller serviette et carrelage, plutôt que prendre une vraie douche. Et mouiller le gant.

Mais à croquer à nouveau dans la madeleine, cette fois, il me sert et je plaide pour la réhabilitation du gant de toilette dans les chaumières de France. Non, je n’ai pas dit le bidet non plus ! Je vis à l’ère soviétique mais quand même. Enterrons les bidets, cette aberration ignoble qui pollue visuellement les salles de bains construites avant… Ah, vous venez d’acheter une maison et vous en avez fait installer un ? Bon eh bien nous ne devons pas bien nous connaître alors. Bon je reprends. Le lavage au gant. Economique en eau, revigorant, non, vraiment très bien.

Niko m’avait dit, « moi je me douchais avec un tuyau dans les toilettes pendant mon premier voyage en transsibérien. Un tuyau raccordé à l’évier. » Je m’étais préparée à cette éventualité, j’avais même emmené les tongues. En fait, pas le moindre tuyau, encore moins de douche.

Alors gant ou lingettes ? Selon l’humeur et l’état des toilettes. Tongues obligatoires quoi qu'il en soit. SURTOUT ne pas poser le pied par terre.

Luce

Sur le quai on trouve des morues

De la morue, du poisson cuit, des journaux, des perceuses ou des peluches… A chaque arrêt conséquent du train, ils sont là, les vendeurs en tout genre. Ce sont surtout des femmes. Elles ont vingt à trente minutes à chaque fois pour appâter le voyageur avec des produits qui sortent de l’ordinaire du train.


Le rêve pour Niko hier soir, c’était du poisson de rivière et une saucisse imitation Morteau. L’un et l’autre ont fini à la poubelle rapidement faute de moyen de conservation mais c’était amusant. Mauvaise pioche pour les deux œufs cuits qu’il a aussi achetés : ils étaient pourris. Les gâteaux que j’ai achetés étaient aussi périmés mais ça sent quand même moins fort

Luce

lundi, des pâtes, mardi, des patates

Vendredi 25 mars, comme tous les jours. Compartiment IX, wagon 14, train n°350.

-Qu’est-ce qu’on mange ?

-Eh bien mon chéri tu vas être ravi, des nouilles lyophilisées, comme deux fois par jour.

Ah non, la bonne surprise ! Tu vois ce que j’ai pu acheter à la gare ? Je n’étais pas sûre avant d’ouvrir la boîte mais maintenant c’est sûr : ouais ! c’est de la purée ! Non, pas celle de ma grand-mère, celle du sachet, mais un peu d’eau chaude du samovar

et ça devient un plat comestible, nourrissant et chaud. Je te l’accorde, ça manque légèrement de variété, et heureusement qu’on a quelques fruits et gâteaux pour agrémenter nos repas.

Luce