mardi 15 novembre 2011

Nouvelle Transsibérien

Gagnante d'un concours de nouvelles organisé par la Compagnie du Barrage à Bordeaux. Le thème ? Transsibérien.



L’oncle chinois

Gare d’Oulan Bator, Mongolie, aux aurores. Encore trente heures de train avant de rallier la dernière étape du périple, Beijing, en Chine. Le Transmongolien n’attend plus que nous. Sur le quai, nous faisons nos adieux à notre guide mongol Mejet. N’imaginez pas une effusion de sentiments. Le séjour avec lui était très réussi, mais nous sommes aussi contents de retrouver notre liberté de voyageurs indépendants. Nous grimpons les hautes marches du train. Wagon 14, places 35 et 36. Avec l’habitude, nous repérer entre les différents compartiments est devenu un jeu d’enfant.

Coup d’œil furtif. Deux hommes sont déjà dans le compartiment. Plissement désapprobateur au coin de la bouche. Pour une fois, nous aurions espéré prolonger la nuit trop courte. Les jours de train précédents, la traversée de la Russie, le passage au lac Baikal, la vie aux côtés de nomades mongols dans les steppes arides, la découverte de la capitale mongole… Les deux semaines précédentes ont filé à une vitesse inouïe. Besoin de digérer le substrat dense des rencontres, avec des habitants d’ici ou là, d’autres voyageurs, avec les ambiances et les paysages aussi. Moscou sous la neige, Irkoutsk et ses maisons en bois, les yourtes et les 4X4 mongols… Envie de se recentrer avant d’entamer une nouvelle page du voyage, Pékin.

Mais nous n’allons pas y couper, il va falloir communiquer.

Nos partenaires de couchettes sont Chinois et visiblement, ils voyagent ensemble. Le train est sale. C’est le troisième que nous empruntons depuis le début de l’aventure et c’est de loin le plus vétuste et le plus crasseux. Vitres maculées, tapis tachés, couvertures douteuses, ce cadre peu ragoutant fait râler nos voisins. Les essieux du train n’ont pas commencé de tourner mais les voilà déjà qui frottent énergiquement tout ce qui les entoure. Les lingettes redonnent une seconde vie à la tablette en formica. La tablette. Lieu de séparation virtuel entre nos deux espaces de vie. Lieu de partage aussi. Nos petites bouteilles d’eau et leurs paquets de mouchoirs y cohabitent sagement. Les vestes sont maintenant suspendues au-dessus des couchettes, les lits sont faits. Nous sortons les éléments indispensables au voyage, pour ne pas déranger tout le monde en ouvrant fréquemment la valise. Nous sommes tous les quatre de parfaits utilisateurs du Transsibérien. Parés pour le départ.

Seule échappatoire à l’espace confiné du compartiment : le couloir pour se dégourdir les jambes. Pour l’air neuf, il faudra repasser, les fenêtres sont scellées.

Sa Kou Si

« D’où venez-vous ? Où allez-vous ? » La machine à communiquer se met en branle, mon conjoint se jette le premier dans le grand jeu de l’échange. Il déploie une carte du monde. « Ah ! Fago ! » (« France »), « Sa Kou Si ! » (« Sarkozy »). Nous allons jusqu’à la capitale chinoise, ils descendent à Erlian, à la frontière chinoise avec la Mongolie. C’est fou tout ce qu’on arrive à dire avec deux paires de mains et une bonne dose de motivation. Ces voix graves me bercent, ça y est, je somnole, c’est plus fort que moi. Pas longtemps. Vite, réintégrer la vie de compartiment. Mon envie de m’isoler s’est envolée, je me sens à nouveau bien, là-haut, assise sur mon lit superposé, bercée par les soubresauts du train.

Mon passeport est posé sur la tablette, prêt pour le contrôle des tickets. L’un des deux étrangers le saisit et le feuillette. « Non mais oh c’est à moi ça » pensé-je, malgré moi. Ma tolérance et mon ouverture d’esprit légendaires, une fois éprouvées, m’ont encore fait défaut. Je descends de mon perchoir, et prends à mon tour son passeport. Son nom, c’est Liu. Prénom : Cheng. Son acolyte, c’est aussi Liu. Je les désigne. « Vous êtes frères ? ». Non, des associés.

Je regarde les papiers de plus près, et là je n’en crois pas mes yeux. Liu est né le 16 septembre 1972. Exactement comme mon compagnon. J’éclate de rire, j’attrape le passeport de Nicolas, l’ouvre à la bonne page et fait trôner les deux passeports ouverts côte à côte. Liu et Nicolas comprennent vite. Ils sont jumeaux ! Accolades, poignées de mains viriles et fraternelles… dans ce compartiment, plus rien ne se passera comme avant. Nous étions des inconnus, nous ne parlons pas la même langue, mais nous sommes de la même famille.

L’atmosphère devient franche et enjouée. Liu et Liu sont bavards. En famille, on peut tout se dire. Ils sont commerçants et font des affaires dans la capitale mongole. Ils n’habitent pas très loin de la frontière et font le trajet régulièrement. Le temps passe vite. Nous sommes déjà à Zamyn Uüd, à la douane mongole, les bagages et tous les recoins du train vont être inspectés. Les douaniers cherchent des produits passés en douce. Dans son pantalon de velours bien trop épais, le plus gros des deux Liu, Zhen, transpire à grosses gouttes. Le stress, doit penser le douanier qui le dévisage et lui fait ouvrir tous ses bagages. Zhen a bien du mal à sortir sa valise surchargée, puis à l’ouvrir. Il déballe. Déplie. Rien d’illégal, constate le douanier. Il peut maintenant la refermer et la ranger. Il souffle comme une bête. A peine le temps de remonter son pantalon et de s’éponger le front, qu’un autre douanier passe. Et lui fait rouvrir sa valise, à nouveau tout déballer et déplier. L’exaspération de notre homme est palpable, même s’il fait visiblement tout son possible pour garder son sang froid. Je pouffe de rire. Je sais à qui il me fait penser. Hardy, du couple comique Laurel et Hardy.

Un cavalier sur son cheval

Le business des deux comparses, c’est un cavalier sur son cheval. Un jouet. Il trône maintenant sur la tablette. Le Laurel des Liu n’arrête plus de remonter le mécanisme et le canasson marche au pas. Dès que celui-ci montre quelques signes de faiblesse, son papa lui met une petite tape sur le dos et il repart. Le joujou est la dernière trouvaille des deux Liu pour inonder les marchés mongols. Leurs allers-retours entre Erlian et Oulan Bator sont de plus en plus fréquents. Une fois de plus, le voyage d’affaires a été prolifique : leur carnet de commandes est plein.

Des commerçants chinois sans scrupules, voilà qui sont nos nouveaux amis. Les Mongols et la Mongolie, ils ne les aiment pas. Liu ferme les doigts de la main gauche. Seul l’auriculaire est levé, il vient y pointer l’index de la main droite, un air de dégoût sur le visage. Nous décodons : les Mongols sont mauvais. Il insiste, au cas où vraiment nous n’aurions pas compris : des êtres inférieurs, bronzés, sales, non éduqués. Nourriture détestable. La Chine : pouce relevé. Sous-titre : « c’est excellent la Chine ». Idem pour Beijing, « c’est une destination merveilleuse ». Oulan Bator, en revanche, auriculaire main gauche et index main droite en connexion. Ce racisme primaire, étalé sans la moindre retenue, nous fait sortir de nos gonds. Nous chantons les louanges de la Mongolie, mais Liu ne veut rien savoir. Et nous ne sommes pas au bout de nos peines. Car en plus d’être raciste, Liu est aussi un fervent défenseur du ‘Made in China’.

Il veut voir tous nos appareils. Et jubile d’avance. Sa déception est donc grande quand il comprend que mon appareil photo est tout ce qu’il y a de plus japonais. C’est la déconfiture quand il remarque que nos pantalons ne proviennent pas non plus de Chine. Pur hasard, tant nos placards regorgent de vêtements fabriqués dans l’Empire du Milieu. Nous savourons notre victoire.

Vexé, Liu. Il arrête de nous assommer de questions et de certitudes et se met à discuter avec son collègue. Mon regard se perd à travers la vitre crasseuse. Depuis des heures, nous traversons le désert de Gobi. Prairies – dunes - collines – prairies - dunes –collines, le paysage est changeant, les teintes aussi varient... De l’ocre, surtout, une touche de vert, et puis au loin, le rosé du coucher de soleil qui pointe. Par terre, quelques petites touffes d’herbe et quelques carcasses. La désolation s’étend à perte de vue, mais la vie est bien là, furtive. Une yourte, deux ou trois paysans, un peu de bétail, parsemés dans les steppes mongoles. Ils ont déjà disparu de l’horizon.

Nicolas, lui, déserte le compartiment. Fidèle à sa nouvelle habitude transsibérienne, il va visiter le wagon-restaurant. « C’est là que se font les plus belles rencontres, authentiques, du transsibérien », claironne le guide. Pour l’instant, dans tous les trains que nous avons empruntés, le wagon-restaurant s’est révélé une coquille vide dépourvue d’âme. De rares tables occupées par un couple ou une personne seule, concentrés sur leurs plats. Pas cette fois-ci. Pas dans ce train n°4. Le cadre d’abord, des boiseries mongoles. Des violons mongols à tête de cheval sont suspendus. Le personnel ensuite. Une jeune serveuse effacée et un barman ivre mort offrant avec insistance cacahuètes et vodka. Excessif, vivant.

Les deux Chinois ronflent bruyamment dans le compartiment. Chacun avec sa petite musique. Le gros Liu, étonnamment, émet un sifflement léger et régulier, le jumeau de Nicolas éructe lui bruyamment. Je rejoins mon compagnon de route. Je le trouve attablé avec deux trentenaires mongols. Les verres de bière vides s’amoncellent, le barman s’est endormi au-dessus d’une vodka, et Nicolas et ses compagnons de beuverie rient aux éclats. Des entrepreneurs eux aussi. Parlant un bon français, après plusieurs années d’études à Genève. Inespéré. Je prends la conversation en route. Ils en sont à parler de leurs projets ambitieux : développer les enseignes de luxe à Oulan Bator. Ils se rendent à Shanghaï pour rencontrer les chefs de projet de plusieurs marques désireuses de s’implanter en Mongolie. Mongolie à deux vitesses, Mongolie des mines, de la pollution, de la misère d’un côté, et Mongolie des Hummer rutilants et des sacs Vuitton de l’autre. A notre grand désarroi, ces deux Mongols de bonne famille n’éprouvent pas beaucoup plus de respect pour les Chinois que nos partenaires de couchettes n’en ont pour les Mongols. Pas des ennemis, non, de simples partenaires d’affaires.

Il fait maintenant nuit, Nicolas et moi retournons dans notre compartiment. La porte à peine refermée, le petit Liu arbore un grand sourire. Il lève son pouce. « Mongolie intérieure ! » Je décrypte son message : ce n’est plus la Mongolie mais la Mongolie intérieure, l’une des cinq régions autonomes de la République populaire de Chine. Les Mongols y vivent minoritaires, depuis que les Hans, l’ethnie majoritaire en Chine, s’y sont implantés ces dernières décennies. C’est donc très bien, la Mongolie intérieure. Pour nous, bien sûr, la terre y est aussi aride, les animaux aussi maigres et les yourtes aussi rares.

Ganbei !

Au poste-frontière d’Erlian, nous avons plusieurs heures devant nous. Les essieux du train parti de Russie doivent être remplacés par d’autres essieux plus étroits, avant de pouvoir circuler sur des rails chinois. Nouveau contrôle des papiers et des valises, cette fois encore le gros Liu doit sortir, déballer et ranger sa valise à plusieurs reprises. C’est décidé, nous mangerons ensemble hors du train, nous en avons le temps. Allons au restaurant, avant que nos chemins ne se séparent. Quel plaisir de sortir de l’enceinte de la gare. Ça y est, nous sommes en Chine ! Nous jouons la prudence, pas question de s’éloigner trop de la gare. Nous repérons un restaurant, l’enseigne n’inspire pas confiance, mais ce sont les seuls néons allumés alentours. Oubliés maintenant les désaccords de fond : la proximité des adieux et de la bonne chère nous unissent à nouveau.

Les Liu commandent la moitié de la carte. Les idéogrammes chinois sont la seule clé d’entrée dans le menu : le choix des plats nous échappe donc totalement. Nouveau lâcher prise. Se laisser entraîner dans la rencontre, et une fois de plus, ne pas être déçu. A l’inverse, tomber à la renverse tant c’est un festin. Après les nouilles lyophilisées ingurgitées dans le train, après le mouton servi en toute occasion et sous toutes les formes en Mongolie, les plats chinois sont une révélation. « Tchin ! », « Ganbei ! », le gros Liu ressert tout le monde et rote allègrement. Il fume cigarette sur cigarette. Et crache de temps en temps.

De toute la journée, les Liu n’ont pas prêté attention à mon début de ventre rebondi. Je fais l’annonce : Nicolas et moi allons être parents. Nous trinquons à la santé du futur enfant. Puis le jumeau de Nicolas réalise : il va donc avoir un neveu ou une nièce. L’oncle chinois est comblé de la nouvelle. Il parle encore plus fort, et plus vite. Envoie l’autre Liu acheter une bouteille de vin rouge à l’épicerie d’à côté. Puis paie l’addition. C’est l’heure des adieux. Nous allons bientôt remonter dans le train, poursuivre la route jusque Beijing. Les deux Liu grimperont dans leur voiture garée près de la gare, ils auront encore plus d’une heure de route avant d’arriver chez eux.

Liu Cheng note fébrilement son adresse sur un coin de nappe. Pour l’envoi du faire-part.

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jeudi 28 avril 2011

Et côté porte-monnaie ?

Combien ça coûte de faire un voyage en transmongolien, et de faire le touriste pendant un mois ?

TRANSPORT

-avion AR Paris-Moscou et Pékin-Paris, achetés sur Internet, avec Opodo :
Niko (A : 20/03 ; R : 06/04), avec KLM : 650 euros
Luce (A : 20/03 ; R : 16/04), avec Aeroflot : 450 euros

-transmongolien
trajet Moscou/Irkoutsk (Sibérie) : 235 euros par personne, avec une réservation via une agence allemande Pulexpress. Elle prend une bonne commission, mais l'avantage c'est de pouvoir réserver en amont, indispensable en période touristique (pas encore le cas à nos dates) et de ne pas avoir à galérer au guichet des gares russes, les guichetières étant réputées pour ne pas aider du tout les touristes. Attention, prévoir large au niveau timing pour la réception des billets.

trajet Irkoutsk/Oulan Bator : 120 euros par personne, toujours avec la même agence (il faut savoir baragouiner en allemand, anglais, russe, vos interlocutrices ne parleront pas français).

NB : Si c'était à refaire et puisqu'on n'a pas galéré à racheter des billets après nos déboires sur les deux premiers trajets, je ne réserverai pas les tickets en avance. En rachetant des billets sur place un à deux jours avant le départ, on a payé, par personne : environ 100 euros au lieu de 200 sur le trajet Moscou/Irkoutsk, avec un train bien moins rapide toutefois : beaucoup plus de haltes. Pour le trajet Irkoutsk/Oulan Bator, la différence entre le prix des billets achetés avec l'agence et celui des billets rachetés sur place était moindre.

trajet Oulan Bator/Pékin : billets achetés sur place, avec Mejet, notre guide mongol : première réservation six jours avant le départ et achat des billets deux jours avant : 85 euros par personne environ, pour un vrai transsibérien

-navette train entre aéroport et centre de Moscou : 8 euros par personne, idem pour les navettes à l'aller et au retour entre Paris Charles de Gaulle et Paris intramuros.

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HEBERGEMENT

-auberge de jeunesse Moscou : 40 euros la première nuit pour deux réservée sur internet, 60 euros la deuxième alors qu'on devait se faire loger in extremis : hors de prix pour un taudis pareil. On vous déconseille absolument le Transsiberian Hostel, auberge de jeunesse pourtant répertoriée par le guide Lonely Planet.

Globalement, les auberges de jeunesse et hôtels sont connus pour être chers. L'intérêt est donc juste de ne pas tomber sur un taudis, puisque vous serez presque obligés d'allonger la thune.

-l'avantage d'un voyage en transmongolien, c'est que pendant une semaine du voyage tu dors sur une couchette dans le train, c'est toujours ça d'économisé sur le budge. De là à dire que tu dors bien, c'est autre chose.

-auberge de jeunesse Irkoutsk : deux nuits, 76 euros à deux, plus recommandable

-hôtel Dreams à Litsvianka : à éviter absolument : 30 euros la nuit, une chambre sale et mal meublée

-Mongolie : hébergement chez Mejet, à Oulan Bator : petit mais propre et confortable.
payé 250 euros pour trois nuits passées chez lui, quelques repas, la traduction, la conduite et l'accompagnement dans une famille mongole à 400 kilomètres aller (à qui on a redonné 40 000 tughriks soit 21,50 euros, pour deux nuits)

-Pékin, deux nuits en auberge de jeunesse pas loin de chez Yuan, dans le district de Chaoyang nord : 53 euros pour deux pour deux nuits, environ 600 yuans

-pour la suite, couch surfing chez mon amie Yuan et sa coloc : gratuit

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VISAS (par personne)
Sans compter que la procédure de demande de visa (délai, file d'attente, éléments à fournir) est lourde, c'est très cher !
-Russe : 35 euros + 25 euros de 'voucher' = 'invitation' payante distribuée par l'hôtel/l'auberge de jeunesse et à fournir avec le formulaire de demande de visa : 60 euros
-Mongol : 60 euros
-Chinois : 35 euros de frais de visa + 35 euros de frais de gestion = 70 euros

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EQUIPEMENT
doudoune/vêtements chauds/duvet
trousse de pharmacie
divers,
environ 300 euros par personne (équipement réutilisable)

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SUR PLACE

-La nourriture n'est pas très chère en Mongolie et en Chine, sauf dans les restos chics bien sûr, en Russie, le coût de la vie est plus élevé.
Les transports urbains (minibus, métro, tram, bus, pousse-pousse) sont vraiment très peu chers dans ces trois pays ; le taxi est presque donné en Mongolie et à Pékin ; en Russie, on n'a pas essayé cette fois, mais en 2004, c'était raisonnable.

-Les visites

-Les souvenirs

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TOTAL

Comptez 2000/2500 euros par personne, pour un mois, sans se priver.

mardi 19 avril 2011

Dernier jour à Beijing


Dernier jour à Beijing et jour médian de ma grossesse. Comme un tournant, en somme. Depuis quelques jours déjà, je me sens très à mon aise dans la capitale, je trouve ma place dans le métro, je me repère dans la ville, j’ai mes habitudes chez Yuan, je donne à manger à son chat le soir tout en maudissant sa litière.

Pourtant, j’ai maintenant envie de rentrer en France. Plein de choses à régler, Pôle Emploi, la CPAM, la CAF, le suivi de la grossesse, les piges à venir, la maison, etc. Et puis j’ai envie de revoir Niko, la famille et les copains. Ben oui, aventurière mais pas seule au monde non plus. Hâte donc de rentrer à Paris. Ça tombe bien, je prends l’avion cette nuit. Une dernière soirée avec Yuan, un resto coréen. Je prendrai le taxi en toute fin de soirée, pour être vers minuit à l’aéroport. Mon avion décolle à 2 h 30 du mat’, bizarre comme horaire, c’est Aeroflot, je voyage russe. Arrivée prévue à 10 h 45 à Roissy Charles de Gaulle.

Pour mon dernier après-midi à Pékin, je retourne au parc du Temple du Ciel, j’y étais allée la semaine dernière, et ça m’avait vraiment plu. Cette fois, ça part mal. Métro bondé, chaleur étouffante. Des cars de touristes de toute nationalité. Il n’y en avait pas autant la dernière fois où c’est moi qui rêve ? Passage aux toilettes, et là une meute de vieilles dames chinoises très petites emplissent la pièce. Je rêve, elles sont en train de me griller la priorité. Je suis transparente. Je finis par me poster devant une porte close bien précise, mais malgré ça, une autre essaie de s’introduire aux toilettes dès que la porte s’ouvre. Je m’impose devant elle et entre dans les gogues. Dès que j’ouvre la porte, j’attends qu’elle se jette à l’intérieur. Ça ne loupe pas. Je ressors de ces maudites toilettes les nerfs en pelote. Moi qui voulais revivre l’idylle du parc, c’est mal parti.

Des hordes de casquettes marchent au pas. Rouges, bleus, blanches, oranges. Et le guide qui dresse un petit fanion de la même couleur. Je hais les touristes. Je sais, c’est complètement ridicule de dire ça, mais je hais le concept de voyage organisé, de voyage de groupe, de tourisme de masse. Des retraités ou des actifs peu curieux qui suivent le mouvement, j’éructe, je suffoque, je me planque dans une sous-allée pour échapper aux casquettes. Soudain, j’entrevois des mouvements de jambes, ce sont encore des Chinois, mais ceux-là sont de Beijing et dansent.

Hourra ! Je les ai retrouvé mes petits vieux ! Une musique navrante s’échappe de deux baffles haut perchés. Un pas de côté, un tour, les bras en l’air, ça bouge le popotin. Ils s’éclatent. Ah mais en fait y a pas que des petits vieux, il y a aussi des quadragénaires et même plusieurs jeunots. Ça fait rire Yuan et sa coloc ces gens qui dansent partout dans Pékin, elles trouvent ça ringard.

Dé-com-ple-xés les Pékinois.

Séances de taichi gratuites et en plein air dans les parcs. Tôt le matin surtout mais aussi avant le coucher du soleil et un peu partout en journée. Un seul mot d’ordre : bouger son corps.

Cela passe aussi par les jeux, barres et autres accessoires dans tous les parcs et des lieux plus improbables de la ville.

Cinquante mètres plus loin, une femme assez âgée est en train de jongler. Elle jongle du pied avec ce petit machin qu’on trouve partout en Chine, le jianzi, prononcez 'tienze'. Le ballon de foot local.


C'est une vraie championne. A une soixantaine d'années, elle jongle comme un gamin de club de foot. Et a passé son après-midi à faire des passes à ses amis. C'est ça aussi Pékin.


Luce

Beijing, le paradis des papilles


Un vrai régal. Trop épicé pour moi, mais très bon. Ce soir là, un poisson qui continue à cuire dans sa sauce pendant qu'on le déguste, avec force légumes et aromates.

Un autre jour, un simple ramen, soupe de nouilles, le plat du pauvre, avec des algues, du radis, des légumes qui n'existent pas en France, et pourquoi pas de la viande.

Dans une chaîne de restauration coréenne, de la viande sur le grill, et avant cela, en entrée, du chou et du navet marinés.

Au restaurant vietnamien, des nems savoureux et un plat de nouilles au poivre.

ça, c'est le premier niveau. Bon.

Mais la plupart du temps, c'est mieux que ça, c'est très bon, voire délicieux.

Plusieurs plats un peu partout sur la table, chacun a commandé ce qui lui faisait envie, et l'on partage tout. Pour manger, des baguettes bien sûr, assez efficaces avec le riz collant ou les morceaux de viande, beaucoup plus compliqué pour les nouilles et les champignons glissants.
Pour manger des ailes de poulet, toujours des baguettes. Usage des doigts autorisé, heureusement.

De la fondue pékinoise, des plats de poisson du sud, des mets épicés du Sichuan, Hongkongais, Cantonais, Taiwanais... Les cuisines de toutes les régions sont représentées à Pékin, un voyage gustatif à travers toute la Chine.

Parmi mes plats préférés, ceux concoctés par Yuan.

Une salade de concombres. Taper (pour l'écraser) le concombre avec la largeur d'un grand couteau : retirer le gros des pépins. Ajouter de l'ail émincé, du piment rouge, du sel, du vinaigre, une cuiller d'huile chauffée, dans laquelle ont été trempés puis retirés des grains de poivre. Ajouter un peu de sucre. Frais, simple et succulent.

L'autre menu réjouissant, ce sont des ailes de poulet au coca. Le Coca Cola, oui, moi aussi, ça m'a surprise. Faire cuire les ailes de poulet. Dans une casserole, faire chauffer du Coca jusqu'à ce qu'il épaississe. Ajouter du sel. Verser la sauce sur le poulet cuit. Servir avec du riz, des champignons et des légumes verts. Délicieusement caramélisé.

Luce

Huhai Lake by night








L'adresse

A chaque fois que je prends le taxi pour rentrer chez Yuan, je ressors le morceau de papier sur lequel elle m'a inscrit son adresse en pictogrammes chinois. Un précieux césame qui fonctionne à merveille : après avoir été trimbalée dans la ville, je suis déposée devant son immeuble, comme par miracle.




Luce

Le marché du bas de chez Yuan




Atelier épluchage d'ananas et de noix de coco






Marché couvert aussi, avec ces éternels poissons dans leur aquarium. On ne les voit pas bien parce que je me suis faite jeter avec mon appareil photo, mais il y a aussi de gros crapauds.






Il y a même des oeufs verdâtres.


Luce