lundi 30 novembre 2009

Chez Zolikha - Tanger



Parmi les rencontres coup de coeur, il y a celle avec Zolikha et sa petite famille, Radouane, son mari, et ses deux fils, Marouane et Youssef, six et un ans.

Zolikha, c'est la voisine de Zohra, dont j'ai parlé plusieurs fois.

Elle vit aussi à Dar Ahajjam, à la périphérie de Tanger.

Les trois fois où je suis allée chez Zohra, je suis aussi allée chez elle.
La dernière en date, après l'Aïd chez Zohra, Zolikha a insisté pour que je mange aussi chez elle. Estomac en sauce. Avec beaucoup d'olives et de pain, qui m'ont permis de faire illusion sur la dégustation de viande.











Zolikha a 23 ans, s'est mariée à Meknès, et a suivi son maçon de mari quand il est venu travailler à Tanger.
A Tanger où les immeubles poussent comme des petits pains, Radouane se fait embaucher au jour le jour.


Ils sont arrivés dans la ville du Détroit il y a deux ans, leur premier fils sous le bras. Ils louent depuis un deux-pièces miteux, avec électricité, utilisée avec parcimonie,
mais sans eau courante comme dans l'ensemble de Bir Chifa et de Dar Ahajjam (entre autres).

De la terre battue, des murs qui s'effritent.



Il y a la cuisine.












Et il y a le salon/chambre. Ah, et une petite entrée. Pour 550 dh par mois (50 euros).



A côté de chez eux, chez Zohra, c'est une très très belle maison.

Dans le salon-chambre, des tapis et de fins matelas posés sur le sol.
Ils y dorment tous les quatre.

Leur mobilier ? Un frigo, une télé, une petite table, un brûleur à gaz, des plaques, et quelques ustensiles de cuisine et vêtements de rechange.
Je n'ai pas pu voir s'il y avait des toilettes, ni un semblant de salle de bains. Je pense qu'ils vont au hammam régulièrement, et que pour le quotidien, cela se passe à grand renfort de bassines d'eau recueillie à la fontaine à 500 mètres, de l'eau trimbalée jusque chez eux à la brouette.

Précieusement rangés dans le meuble près de la télé, un cahier d'écolier et un stylo.
Zolikha sait écrire, et même le français. Un peu. Son prénom, pas celui de son mari.
Elle est allée à l'école. Elle parle le français aussi, très bien.
Sa famille n'était pas si pauvre jusqu'à ce que son père meurt et qu'elle emménage à Meknès avec sa mère.






Zolikha rit tout le temps. Radouane a un sourire triste. Il est doux. Leurs deux garçons sont calmes, et très souriants.
C'est comme s'ils passaient à travers toute cette crasse, cette violence, cette misère de Dar Ahajjam. Leur présence est lumineuse.

Je ne suis pas en train de faire un ode à la misère. Je ne trouve pas le dénuement charmant, ni même exotique. Leur vie est très dure.
Il la prennent comme elle est. Le fatalisme ambiant mais avec une touche de gaieté.

Je me sens très bien avec eux.
Mieux qu'avec Zohra et sa famille où j'ai le sentiment d'être la "correspondante", l'étrangère qui fait des grimaces pour se faire comprendre et qui amuse la galerie.

Qu'est-ce qui peut bien me plaire ?
Bien sûr un monde nous sépare. L'éducation, le fric, les habitudes, la religion...
Mais dans nos discussions, ils sont ouverts, patients, généreux, doux.
On échange vraiment. On se comprend. La magie du voyage, quand il est à la fois dépaysant et réconfortant, que c'est le bon timing, j'imagine. Cela m'est parfois arrivée, cette empathie dans le voyage. Mais si je me sonde vraiment, pas à Tanger. Pas à ce point.
Trop de barrières.
De codes.

Bref, je suis repartie de chez eux pleine d'affection mais aussi d'une immense tristesse pour leur situation.

Et puis je me suis mise à douter : est-ce qu'ils attendent quelque chose en retour ? Je ne leur ai rien offert, si, une plante riquiqui la deuxième fois que je suis venue, mais pour l'Aïd, je suis arrivée les mains dans les poches.
C'est moi qui suis repartie de Dar Ahajjam le sac rempli de gâteaux.













J'ai très envie de retourner une dernière fois chez eux avant de rentrer en France. Et que Niko les rencontre.



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