Je suis allée plusieurs fois au port de Tanger. J'y ai rencontré Mohammed, secrétaire de l'association des marins-pêcheurs de la ville, l'une des six associations ayant un local au port. Un homme gentil, qui a retrouvé son français au fil de nos rencontres et pris du temps pour me faire visiter en temps que journaliste le port, son chantier naval (voir photos ci-dessous) et ses ateliers de mécanique.
Au port, pas la moindre femme à l'horizon. Ah si, en fouillant dans sa mémoire, Mohammed a retrouvé une femme, capitaine de bâteau qui plus est. Mais pas à Tanger.
Non, que des hommes. Ecoutant la radio, sirotant un café de bon matin, préparant leurs filets pour la pêche future, faisant les dernières réparations à bord avant le grand départ.
port, il y a des montagnes de filets maillants, ceux-là même qui dérivent en mer et capturent espadons, requins et autres gros morceaux. Cela fait des années que les associations de défense du milieu marin demandent l'interdiction de ce type de filet qui attrape tout ce qui bouge et ne laisse aucune chance au poisson. Cette fois, l'accord de pêche conclu entre le Maroc et l'Union européenne semble déboucher sur une interdiction réelle de ces filets -au grand dam des pêcheurs tangérois-, d'ici 2012.
En France aussi ces filets maillants dérivants sont interdits.
Tant qu'ils peuvent les utiliser, les pêcheurs du port de Tanger ne s'en privent pas. Pendant la belle saison de l'espadon (le premier poisson pêché ici, un gros poisson de 250 kilos minimum), printemps surtout, été, et un peu moins automne d'après ce que j'ai compris, ils récoltent des dizaines d'espadons en un voyage.
Des espadons destinés aux marchés intérieur et extérieur, en Union européenne et au Japon surtout (une grande partie du thon pêché part aussi au Japon).
Les belles prises du jour sont envoyées à l'export ou finissent dans les restaurants huppés (langoustes...) directement après la vente à la criée.
Le reste est exposé sur les étals du marché aux poissons le lendemain matin.
-voir post précédent-.
Pour un pays avec autant de littoral (3600 km tout de même), les Marocains consomment peu de poissons. Cela reste cher, sauf la sardine, à 10 dh le kilo.
Il y a trois types de pêche :
-hauturière (haute mer) :
on part un ou deux jours sur un palangrier (il y en a environ 300 au port)
ou plus rarement sur un navire.
Un palangrier est un bateau moyen avec une contenance de 2 à 30 tonnes.
On pêche sardine, espadon, daurade, gros yeux, pageot, tout comme avec les autres types de pêche.
-la pêche côtière, mêmes poissons, mêmes bateaux, souvent un peu plus gros (5 à 50 tonnes).
-la plus importante au Maroc, la pêche artisanale. D'après Mohammed, il y a entre 10 000 et 11 000 pêcheurs à Tanger. La majorité utilise ce genre de barque (ci-dessous).
Niveau salaire, comment ça fonctionne ?
Comme dans pas mal de pays. L'argent de la revente de la 'récolte' (j'ai oublié le nom technique) est partagée entre tous les membres d'équipage. Le capitaine a deux parts, les matelots une part, les 'spécialistes' comme les mécanos, une part et demi. A cela le poisson que l'on ramène à la maison le soir. Mohammed, mécano, gagne à peu près entre 3500 et 4500 dhs par mois, 300 à 450 euros par mois, deux fois plus que le smig.
Y-a-t'il une différence entre poisson de Méditerranée et poisson de l'Atlantique ?
Les poissons sont les mêmes dans l'une ou l'autre mer (daurades, soles, sardines...)
mais sont meilleurs et plus chers quand ils viennent de Méditerranée (ne me demandez pas pourquoi). Souvent, une fois en mer, les pêcheurs de Tanger ne savent plus s'ils sont en orient' ou 'en occident', alors ils se servent d'un GPS (moi qui croyais qu'ils avaient une technique ancestrale pour différencier les deux courants ! image d'épinal...) et privilégient la pêche dans les rayons méditerranéens.
Après notre visite du port, Mohammed m'a emmenée dans un rade de pêcheurs à la sortie du port, en direction du petit socco. A l'intérieur, que des hommes, des pêcheurs, captivés par une émission politique d'Al Jazira pour certains, par le kif qu'ils fumaient pour d'autres.
C'était un moment assez improbable où je n'ai pu qu'observer les casquettes de différentes marques des pêcheurs, leurs cafés fumants et la très belle mosaïque bleue et verte du café, prêter l'oreille à la musique de leurs conversations animées, par-dessus le fond sonore de la télévision.
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